
par Serge Van Cutsem
Tandis que la propagande parle d'invasion russe, l'UE vide ses arsenaux en Ukraine et distribue aux citoyens un «kit de survie» qui ressemble à un aveu d'impuissance. Les Russes n'ont jamais eu l'intention d'attaquer l'Europe, mais l'Europe a manifestement décidé de s'attaquer elle-même : budgets de guerre, paniers de survie et une jeunesse qu'on prépare discrètement à se sacrifier. La seule véritable menace, c'est un système qui perd pied et qui panique.
Il faut parfois s'arrêter deux minutes pour contempler le spectacle. La France distribue désormais à ses citoyens un «guide de survie» hilarant, pendant que la Belgique envoie aux jeunes de 17 ans un courrier les préparant psychologiquement à un conflit armé. On dirait que tout le continent s'est engagé dans une parodie de mobilisation générale, mais sans jamais prononcer le mot mobiliser. On préfère les euphémismes, les brochures, les sifflets... et surtout les radios à piles. À ce stade, ce n'est plus de la politique : c'est du vaudeville.
Ce qui frappe, c'est la synchronisation parfaite. France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Danemark : tous dansent sur la même chorégraphie, comme connectés à un même serveur central. Même discours, même ton, mêmes signaux faibles, mêmes gestes absurdes, et surtout la même liturgie : «Nous devrons peut-être faire face à des moments difficiles», Ah bon ? Et lesquels ?
Le comique involontaire atteint son sommet quand on lit la liste du fameux «kit de survie». On pourrait croire à un sketch de Coluche, sauf que la liste a été écrite très sérieusement par l'administration française, payée avec les impôts d'un peuple épuisé. Jugez plutôt : une radio à piles dans un pays qui se prétend champion du numérique. Une lampe torche parce que le réseau électrique est si stable qu'il faut vous préparer à vivre comme un spéléologue. Un chargeur de téléphone... sans électricité. Un double de clé, comme si le vrai danger, en temps de guerre, était d'être enfermé dehors. Trois jours d'eau et de nourriture, pile la doctrine OTAN pour un blackout massif, mais chuuut, faut pas le dire. Une liste de numéros importants que vous ne pourrez de toute façon pas appeler. Une trousse de premiers secours, parce qu'il faudra peut-être vous soigner vous-même vu l'état des hôpitaux. Des vêtements chauds, dans un pays nucléarisé qui n'arrive même plus à garantir le chauffage. Et, sommet de l'absurde : un sifflet. Oui, un sifflet. Pour appeler des secours qui ne viendront pas ou pour prouver que vous êtes un bon citoyen «résilient».
Tout cela ressemble à une mauvaise comédie, mais c'est la réalité : l'Europe prépare sa population à un choc majeur sans pouvoir en expliquer la cause. On nous parle de résilience civile, de préparation de crise, de ruptures possibles du réseau, de mobilisation de la jeunesse. On distribue des brochures, on écrit aux adolescents, on multiplie les déclarations anxiogènes. Et pendant ce temps, dans les coulisses, l'Union européenne adopte en urgence un Acte de Production de Munitions, pousse les industries à se transformer en usines de guerre (Renault, Rheinmetall), discute d'une économie de mobilisation et valide des budgets militaires délirants. Tout cela coordonné, bien sûr, avec l'OTAN.
Et puis il y a ce détail qui rend le tableau encore plus grotesque : on justifie tout cela par la «menace russe». Alors qu'il faut rappeler quelques faits simples. Premièrement, ce sont les Russes, et non les Américains, qui ont vaincu 90% de l'armée nazie. Deuxièmement, les Russes n'ont jamais eu l'intention d'envahir l'Europe de l'Ouest. Pas par amour, même si eux savent faire la différence entre le peuple et ses dirigeants belliqueux. Simplement parce que cela n'a aucun intérêt stratégique ou économique. Troisièmement, l'UE a vidé la quasi-totalité de ses arsenaux dans le bourbier ukrainien, et ce matériel a été transformé en ferraille par les missiles russes. Quatrièmement, si un conflit réel éclatait, l'Europe pourrait tenir... 48 heures. Deux jours. Et encore : sur un front de 15 km. Le reste, c'est du vent, du narratif, du PowerPoint.
Le danger n'est pas militaire, il est politique. On ne prépare pas les citoyens à la guerre parce qu'une armée étrangère s'apprête à franchir les Ardennes. On les prépare parce que l'Union européenne a enclenché un virage stratégique qu'elle n'assume pas, qu'elle ne maîtrise plus et qu'elle ne peut expliquer sans provoquer un séisme démocratique. Alors on fait de la psychologie de masse, on infantilise, on culpabilise, on crée un climat de peur diffuse, on installe l'idée d'une «crise permanente» où la guerre devient la suite logique. On raconte n'importe quoi. Et on distribue des radios à piles pour donner l'illusion qu'on a «pris les devants».
Le plus triste, c'est que beaucoup vont y croire, comme ils ont cru au virus covid-19 acrobatique qui attaquait au-dessus de 1m60. Ils verront dans tout cela une démarche responsable, un geste citoyen, une preuve de prévoyance. Et le voisin sceptique sera suspect, parfois dénoncé aux autorités. En réalité, ce kit de survie français et ces courriers envoyés aux jeunes Belges ne sont que des aveux d'échec monumental : l'État ne peut plus garantir ni l'électricité, ni les réseaux, ni la sécurité, ni les approvisionnements, ni même la cohérence du discours public. On vous dit que l'Europe est moderne, mais on vous conseille de survivre comme dans un manuel scout. On vous dit que l'Europe est un rempart, mais elle ne pourrait tenir qu'un week-end. On vous dit qu'on maîtrise la situation, mais on vous donne un sifflet.
Au fond, ce kit de survie n'annonce peut-être pas la guerre : il annonce quelque chose de plus profond : La faillite d'un système qui s'écroule sous son propre poids.
L'Europe n'a plus d'armée, plus d'industrie, plus de vision, plus de courage politique. Elle a des brochures. Des slogans. Un narratif. Et maintenant... un sifflet.
On ne sait pas encore ce qui vient, mais on sait déjà ce qui s'en va : la confiance, la lucidité, la souveraineté... et surtout le sérieux.